Les dialogues revêtent une importance capitale dans mes histoires, comme dans toutes histoires. Évidemment, cela ne doit en rien éclipser une bonne structure et le plaisir des mots dans la narration. De belles et précises descriptions des lieux, une présentation juste et détaillée des protagonistes et des cadres (époque, contexte socio-économique) dans lesquels ils évoluent sont des éléments primordiaux. Mais la richesse et le dynamisme d’une bonne histoire passent souvent par de bons dialogues entre les personnages. Le lecteur devrait avoir envie de discuter avec eux. Se sent-il partie prenante de la discussion ? A-t-il l’impression qu’on lui fait des confidences ? Ou qu’on lui cache volontairement des choses ? Et cela l’intrigue-t-il ? Je ne rentrerai pas trop dans le cadre didactique de la présentation des types de dialogues, cela n’est pas mon objectif et je ne prétends pas être une théoricienne en cette matière, loin de là. Nous savons qu’il existe plusieurs types de dialogues et qu’ils ont tous un effet différent chez le lecteur. Pour ma part, je favorise beaucoup les dialogues directs. C’est-à-dire que je rapporte les paroles entre les personnages telles quelles. Ces paroles sont alors précédées de signe de ponctuation, dans mon cas le tiret cadratin, et souvent introduite par des verbes introductifs constituant une incise ; ex. dit-elle, proclama-t-il, etc. J’aime bien varier les incises, mais sans que cela tourne à l’excès. Utiliser trop d’incises pointues finit par agacer le lecteur : ex. gloussa-t-elle, grasseya Luc, vociféra-t-il, tonna Louise, etc. Cela ne veut pas dire de ne pas employer ces mots plus précis, plus poétiques ou amusants parfois, mais il faut les employer avec parcimonie. Un bon vieux « dit-il » fait souvent très bien l’affaire. De plus, j’essaie carrément d’éliminer les incises si elles ne sont pas nécessaires, notamment lorsque le lecteur sait déjà qui parle. Voilà le plus important en fait : qu’à tout moment on sache exactement qui parle. Il n’y a rien de plus désagréable que d’avoir à retourner deux ou trois pages en arrière pour retrouver quels personnages sont en train de parler… Voici un exemple d’un dialogue direct : Elle m’avait dit : « Je vais chercher de l’eau à la rivière. Je reviendrai plus tard. »
Les dialogues indirects ont tout à fait leur place également dans mes histoires, mais un des désavantages que j’y vois est qu’ils alourdissent un peu les phrases parce qu’ils nécessitent parfois l’utilisation de plus de mots et surtout de beaucoup de que ou de qui. Ex. Elle m’avait dit qu’elle irait chercher de l’eau à la rivière et qu’elle reviendrait plus tard. Certains auteurs n’utilisent pratiquement que des dialogues indirects et partent sur de très longues narrations qui durent des pages quand ce n’est pas le livre au complet. Cela reste une question stylistique, mais des paragraphes complets remplit de que et de qui me paraissent personnellement plus lents, moins dynamiques. J’utilise le plus souvent le dialogue indirect pour casser le rythme, pour ajouter une description de l’action accompagnant la parole ou pour éviter des dialogues directs vraiment trop longs. Mais comme mes livres sont très visuels, rien de plus naturel que des paroles citées directement entre les personnages, comme des répliques au théâtre ou entre les acteurs dans un film. Un peu comme un scénario en fait. À l’inverse, certains auteurs n’utiliseront que des discours narrativisés, soit une description des discussions entre les personnages. Ex. : Elle avait discuté avec moi de son besoin d’aller chercher de l’eau à la rivière.
Entre ces deux types de dialogues, assez bien définis, il existe des intermédiaires très intéressants, je dirais des styles libres (directs ou indirects) qui sont un peu un mélange des deux. Ex. : Elle l’avait dit. Elle irait chercher de l’eau à la rivière. Elle reviendrait plus tard. Assez intéressantes ces différentes stratégies qui peuvent paraître plus modernes parfois, plus dépouillées.
Évidemment, vous trouverez toutes les définitions et toutes les distinctions des différents types de dialogues dans les cours ou sites de références de création littéraire. En gros, pour ma part, j’essaie d’utiliser un amalgame de ces différents types de dialogues, en privilégiant le style direct, comme vous pourrez le constater. Cela me permet de visualiser plus clairement les attitudes des différents personnages dans les scènes, leurs physionomies, leurs intonations, leurs personnalités en sommes. La façon dont nous nous exprimons nous défini en quelque sorte. Je garde toujours en tête ce proverbe africain : « Une de nos armes les plus puissantes est le dialogue. » Vrai dans la vie ; pourquoi pas dans les livres ?
Comments