Je n’avais pas eu le temps de vous en parler avant mon départ pour la France même si j’en suis très fière. J’ai obtenu une Mention pour un de mes poèmes dans le concours de poésie de Sartrouville en France. Attention, ce n’est pas l’équivalent du concours Radio-Canada. J’y participais d’ailleurs avec le même poème et celui-ci n’avait pas été retenu par le jury. Mais, ce n’est quand même pas rien. Il y a plusieurs catégories et donc plusieurs récipiendaires, mais ça ne fait rien. Je suis contente quand même. De plus, j’aime beaucoup ce poème. Je vous averti, il est caustique. Il dérange peut-être un peu, surtout la dernière phrase possiblement, mais avec ce qui se passe actuellement en Ukraine, le fait est que le visage du monde vient de changer. Les humains se distinguent les uns les autres par leurs visages. Notre physionomie. Celle qui fait notre identité. C’est comme ça que nous nous reconnaissons. D’abord, nous-même, puis que nous reconnaissons les visages significatifs: nos parents, nos amis, le boucher, l’épicier , le Premier-Ministre, etc. Mais, nous reconnaissons aussi notre pire ennemi, celui ou celle qui nous a fait souffrir. Dès que nous apercevons son visage, une émotion très désagréable remonte parfois en nous. Qu’évoque donc pour moi, la seule vue de ce visage? Alors, je vous partage ce poème qui devrait faire partie d’un recueil illustré dans les prochains mois. La question est posée: nous percevons-nous tels que nous sommes?
Les visages
Je ne maquille même plus ma tronche blafarde
Ma peau s’encagoule elle-même
Mon regard noirci de peine ne rigole plus
Ma chevelure s’enmoustache au vent de mai
Dans toutes les directions
Comme moi, elle s’embourbe et frisotte sans savoir où aller
Ma frimousse ne binette plus
Un masque sans expression
Livide et sans sourire
J’ai de la couperose sur la margoulette
Mais même ça, vous ne le voyez plus.
Vous avez la mâchoire serrée
Et la gueule de perchis
Le regard aiguisé comme un couteau suisse
Prêt à me défigurer
D’une balafre dans le miroir
Émoticônes tristes
Vos visages m’effraient
Portraits-robots d’un monde de fous
Se mentir à soi-même
Devant son double menton
Tatouages juvéniles
Serpentant dans tous les sens
Pour vampiriser la peau
De ses imperfections
Futiles camouflages.
Mille et un visages de misère
Boursouflés de désespoir dans les bidonvilles
De toute la terre
Smiley d’horreur et d’imposture
Suaires de mascarades
Nos postiches se décrochent
Au-dessus d’un nid de coucou
Paupières closes
Cousues sur des yeux creux
Comme des poupées de chiffon mélancoliques
Privées de vision nocturne
Même le blanc est noir
Ou l’inverse, qu’importe.
Des visages barbouillés de crème
Bronzés jusqu’aux oreilles
Ne répondent plus à l’appel
Peelings pomme et poire
Ne cachent pas les fossettes
Ni les rides.
La vieillesse nous barbouille les illusions
Elle nous rase les fantasmes
Et les utopies
La richesse ne fait pas le poids contre elle
Et trop tard nous réalisons
Que les poupins ou les laids
Ont la même valeur.
Notre physionomie est notre carte d’identité
Et parfois notre pire ennemi
Puisque nous ne savons pas nous reconnaître
Tels que nous sommes
Cicatrisés par le temps
Agresseurs de la planète qui nous accueille
En son sein
Comme une mère
Des indifférents face à la misère des autres
Cachés sous leurs paravents d’infortune
Dans un univers peuplé de clowns.
Écrans de fumée devant les yeux
Et dans les narines
Parviennent jusqu’à nous
Depuis des dépotoirs à ciel ouvert
Mimiques figées
Devant toutes ces bouilles qui soupanent
Le ventre maigre
Et la grimace sur le minois.
La seule justice qui reste
Est celle de devoir lever le voile à la fin
Quitter nos personnages
Et froncer les sourcils au dernier moment
Un semblant de paix sur le visage.
Amorose

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