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Une mention de poésie pour « Les visages ».

Photo du rédacteur: Janick LabergeJanick Laberge

Je n’avais pas eu le temps de vous en parler avant mon départ pour la France même si j’en suis très fière. J’ai obtenu une Mention pour un de mes poèmes dans le concours de poésie de Sartrouville en France. Attention, ce n’est pas l’équivalent du concours Radio-Canada. J’y participais d’ailleurs avec le même poème et celui-ci n’avait pas été retenu par le jury. Mais, ce n’est quand même pas rien. Il y a plusieurs catégories et donc plusieurs récipiendaires, mais ça ne fait rien. Je suis contente quand même. De plus, j’aime beaucoup ce poème. Je vous averti, il est caustique. Il dérange peut-être un peu, surtout la dernière phrase possiblement, mais avec ce qui se passe actuellement en Ukraine, le fait est que le visage du monde vient de changer. Les humains se distinguent les uns les autres par leurs visages. Notre physionomie. Celle qui fait notre identité. C’est comme ça que nous nous reconnaissons. D’abord, nous-même, puis que nous reconnaissons les visages significatifs: nos parents, nos amis, le boucher, l’épicier , le Premier-Ministre, etc. Mais, nous reconnaissons aussi notre pire ennemi, celui ou celle qui nous a fait souffrir. Dès que nous apercevons son visage, une émotion très désagréable remonte parfois en nous. Qu’évoque donc pour moi, la seule vue de ce visage? Alors, je vous partage ce poème qui devrait faire partie d’un recueil illustré dans les prochains mois. La question est posée: nous percevons-nous tels que nous sommes?


Les visages



Je ne maquille même plus ma tronche blafarde

Ma peau s’encagoule elle-même

Mon regard noirci de peine ne rigole plus

Ma chevelure s’enmoustache au vent de mai

Dans toutes les directions

Comme moi, elle s’embourbe et frisotte sans savoir où aller

Ma frimousse ne binette plus

Un masque sans expression

Livide et sans sourire

J’ai de la couperose sur la margoulette

Mais même ça, vous ne le voyez plus.


Vous avez la mâchoire serrée

Et la gueule de perchis

Le regard aiguisé comme un couteau suisse

Prêt à me défigurer

D’une balafre dans le miroir

Émoticônes tristes

Vos visages m’effraient

Portraits-robots d’un monde de fous

Se mentir à soi-même

Devant son double menton

Tatouages juvéniles

Serpentant dans tous les sens

Pour vampiriser la peau

De ses imperfections

Futiles camouflages.


Mille et un visages de misère

Boursouflés de désespoir dans les bidonvilles

De toute la terre

Smiley d’horreur et d’imposture

Suaires de mascarades

Nos postiches se décrochent

Au-dessus d’un nid de coucou

Paupières closes

Cousues sur des yeux creux

Comme des poupées de chiffon mélancoliques

Privées de vision nocturne

Même le blanc est noir

Ou l’inverse, qu’importe.


Des visages barbouillés de crème

Bronzés jusqu’aux oreilles

Ne répondent plus à l’appel

Peelings pomme et poire

Ne cachent pas les fossettes

Ni les rides.


La vieillesse nous barbouille les illusions

Elle nous rase les fantasmes

Et les utopies

La richesse ne fait pas le poids contre elle

Et trop tard nous réalisons

Que les poupins ou les laids

Ont la même valeur.


Notre physionomie est notre carte d’identité

Et parfois notre pire ennemi

Puisque nous ne savons pas nous reconnaître

Tels que nous sommes

Cicatrisés par le temps

Agresseurs de la planète qui nous accueille

En son sein

Comme une mère

Des indifférents face à la misère des autres

Cachés sous leurs paravents d’infortune

Dans un univers peuplé de clowns.


Écrans de fumée devant les yeux

Et dans les narines

Parviennent jusqu’à nous

Depuis des dépotoirs à ciel ouvert

Mimiques figées

Devant toutes ces bouilles qui soupanent

Le ventre maigre

Et la grimace sur le minois.

La seule justice qui reste

Est celle de devoir lever le voile à la fin

Quitter nos personnages

Et froncer les sourcils au dernier moment

Un semblant de paix sur le visage.


Amorose





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© Janick Laberge

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